Comment préparer les femmes entrepreneures à la ZLECAF?
La Zone de Libre Échange Continentale Africaine (ZLECAF) offre de nombreuses chances aux femmes entrepreneures. Elle permet d’accéder à un marché de plus de 1,3 milliard de personnes. Le produit intérieur brut (PIB) combiné de la ZLECAF était de 3000 milliards de dollars en 2022. Cependant, pour en bénéficier, les femmes entrepreneures doivent bien comprendre la ZLECAF.
Comprendre les règles d’accès au marché continental est important pour profiter de la Zlecaf. Il est nécessaire de connaître le rôle des femmes entrepreneures dans la ZLECAf. Mais également de savoir comment les soutenir pour qu’elles en bénéficient.
La prise en compte des femmes entrepreneures par la ZLECAF?
Qu’est-ce qu’une femme entrepreneure?
La femme entrepreneure est selon Lavoie (1988, p.3) « la femme qui, seule ou avec des partenaires, a fondé, acheté ou accepté en héritage une entreprise, qui assume les risques et les responsabilités financières, administratives et sociales et qui participe quotidiennement à sa gestion courante ».
L’Afrique a le plus grand nombre de femmes entrepreneures. C’est ce qu’indique une étude de Women in Africa (WIA) Philanthropy 2018. Son graphique ci-dessous compare les femmes entrepreneures sur les différents continents.
Figure 1 Taux de création d’entreprises par des femmes entrepreneures dans le monde
Les femmes entrepreneures africaines génèrent entre 150 et 200 milliards de dollars. Selon un rapport de la Banque Africaine de Développement en 2004, elles représentent une source de croissance importante pour le continent. Elles peuvent donc aider à résoudre le problème du sous-emploi et à lutter contre la pauvreté, qui sont des enjeux importants pour les gouvernements, notamment en Afrique. Malheureusement, ces femmes font face à de nombreux obstacles. Par conséquent, leur potentiel reste sous-exploité.
Les freins au développement du potentiel des femmes entrepreneures
Les obstacles au développement du potentiel des femmes entrepreneures sont variés. Nous allons nous concentrer sur trois principaux : le manque de compétences, l’accès difficile aux financements, et le manque d’informations et de contacts.
Faible niveau de compétence des femmes entrepreneures
La plupart des femmes entrepreneures manquent de formation adéquate. Ce qui freine le développement de leurs compétences. Par conséquent, elles ont peu d’informations sur les opportunités et les marchés, ainsi que sur les modalités pour y accéder. De plus, elles manquent de capacités pour gérer efficacement leurs entreprises, innover et partager leurs expériences. Cependant, cela est moins vrai pour celles qui ont un bon niveau d’instruction et qui choisissent l’entrepreneuriat par opportunité.
Difficile accès aux financements
Qu’elles soient bien instruites ou non, actives dans un entrepreneuriat d’opportunité ou de nécessité, les femmes entrepreneures se heurtent à de multiples obstacles pour accéder aux financements. L’accès difficile au financement est le principal facteur bloquant pour démarrer une entreprise, mais aussi pour lui donner des chances de réussite. En effet, selon la Banque africaine de développement, les femmes enregistrent un déficit de financement estimé à 42 milliards de dollars sur l’ensemble des chaines de valeur – dont 15,6 milliards de dollars dans le seul secteur de l’agriculture[2].
Enfin, les femmes entrepreneures n’utilisent pas suffisamment les réseaux pour trouver des débouchés à leurs produits ou trouver des partenaires potentiels. Elles se limitent souvent à des réseaux peu diversifiés qui tournent autour de la famille et des amis. Ces réseaux sont inutilisables pour les affaires.
Faible développement des réseaux de femmes entrepreneures
Par ailleurs, les réseaux constitués par des associations de femmes sont également confrontés à certaines difficultés. En juillet 2020, le Centre du Commerce international a mené une étude sur les associations de femmes entrepreneures, à travers l’initiative ‘’She Trades’’. Soixante-huit (68) associations de femmes entrepreneures sur le continent ont été interviewées. Ces associations ont révélé des difficultés d’ordre organisationnel en raison du manque de personnel dédié (moins de 5 agents pour la moitié des associations) et à la faible mobilisation des cotisations de leurs membres et des ressources extérieures.
C’est pour cette raison qu’elles font donc l’objet d’une attention particulière des Chefs d’Etats et de gouvernement des Etats parties de la ZLECAF.
Qu’est-ce que la ZLECAF?
La Zone de Libre-échange Continentale Africaine (ZLECAF) est un accord de libre échange négocié entre les cinquante cinq pays, membres de l’Union africaine. Elle a pour objectif de libéraliser le commerce des marchandises et le commerce des services entre les pays membres. Elle offre de nombreuses opportunités pour les entreprises et les Etats.
Pourquoi la ZLECAF? Rappel sommaire des raisons
Le commerce international est important pour le développement des nations. L’Afrique n’est pas en reste. Mais sa part dans le commerce mondial est faible. Elle équivaut à peine à 3%. En plus, au niveau interne, le commerce africain est faible contrairement aux échanges commerciaux sur d’autres continents. En 2015, au moment du lancement des négociations sur la ZLECAF, le commerce intra africain tournait autour de 15% contre 70% pour le commerce intra européen. Cette situation entraine une inexploitation du potentiel africain dans trois domaines stratégiques.
En matière agricole
Le continent africain détient 27 % des terres arables du monde. Pourtant, de 2007 à 2011, 37 pays africains étaient importateurs nets de denrées alimentaires. Sur la même période, 22pays étaient importateurs nets de matières brutes d’origine agricole. C’est donc une opportunité pour le développement des échanges. Malheureusement, seulement 17 % de ce commerce s’est réalisé sur le continent.
Potentiel industriel et d’investissements
La part de la production manufacturière dans le commerce intra africain, sur la période 2007-2011, a été d’environ 43 %. Sur la même période, elle était de 14 % dans les échanges entre le continent africain et le reste du monde contre 65 % pour l’Asie et de 56 % pour l’Amérique latine. Quant aux investissements intra africains, ils représentent 68 % des nouvelles transactions portant sur des investissements de création de capacités.
Les objectifs de la ZLECAf
La ZLECAf vise à contribuer à l’objectif de transformation structurelle de l’Afrique en stimulant le commerce intra-africain. A cet effet, la ZLECAf entend promouvoir l’industrialisation et permettre l’intégration effective du continent africain dans les chaînes de valeur mondiale. En outre, de façon spécifique, la ZLECAf renforcera des entreprises africaines en exploitant les possibilités d’économies d’échelle. Elle permettra également la réduction de la dépendance à l’égard des exportations des produits de base et la réalisation du potentiel d’expansion du commerce intra-africain.
L’Afrique dispose d’atouts indéniables pour se développer. Mais ce potentiel est sous exploité du fait des frontières et de la fragmentation du continent en espaces régionaux. Ce sont ces problèmes que la ZLECAf envisage de solutionner.
Plusieurs raisons expliquent la faiblesse des échanges intra africains. Certaines sont liées au manque d’infrastructures , aux difficultés de transports, aux barrières tarifaires, à la réglementation. En conséquence, les Etats africains commercent plus avec le reste du monde qu’entre eux.
Les domaines d’interventions:
L’Accord portant création de la ZLECAf est un accord qui sort des chantiers battus en matière de libéralisation des échanges commerciaux. En effet, au lieu de se contenter de libéraliser uniquement les marchandises comme les accords de libre échange à travers le monde, les négociations sur la ZLECAf embrassent un champ plus large. Ainsi, les négociations se déroulent en deux phases. La première qui a débuté en février 2016 portait sur le Commerce des marchandises et le Commerce des services. Elle a abouti à la signature , le 21 Mars 2028 à l’Accord instituant la ZLECAF.
La deuxième phase, actuellement en cours, concerne les investissements, les droits de propriété intellectuelle, la politique de concurrence, le Commerce numérique, les Femmes et jeunes.
Comment préparer les femmes entrepreneures pour la ZLECAF?
Les femmes entrepreneures africaines sont déterminantes pour le dynamisme de la ZLECAf et sa réussite. Il est donc important de les aider à surmonter les obstacles auxquels elles sont confrontées. A cet effet, il faut développer leurs compétences, faciliter leur accès aux financements et promouvoir leurs associations et réseaux.
L’apport de la ZLECAF pour les femmes entrepreneures
En application de l’article 3 (e ) de l’Accord Instituant la ZLECAF, le Protocole à l’accord de la ZLECAF sur les femmes et les jeunes dans le commerce a été adopté à la 37ème conférence des chefs d’Etats et de gouvernement des Etats parties à la ZLECAF du 17 au 18 Février 2024 à Addis Abeba. Ce protocole donne une définition claire des femmes auquel il s’applique. Il préconise également des mesures aux Etats- Parties.
Quelles sont les femmes qui peuvent bénéficier du protocole d’accord?
L’accord vise à faciliter l’accès aux marchés aux femmes entrepreneures ainsi que les entreprises qu’elles détiennent. Pour encourager la promotion des femmes à des postes clés, le protocole élargit son champ d’action aux entreprises qu’elles gèrent.
Les femmes entrepreneures qui détiennent le pouvoir
Les femmes entrepreneures qui détiennent le pouvoir sont celles qui sont dans le commerce où celles qui possèdent une entreprise. Quant aux femmes dans le commerce, elles sont les ressortissantes des pays membres qui font de l’importation et de l’exportation de marchandises et de services. Les femmes qui possèdent une entreprise sont celles qui détiennent 50% des actions.
Les entreprises dirigées par les femmes
Les entreprises gérées par les femmes sont celles dont vingt-cinq (25) pour cent des actions et/ou tout autre moyen de détermination de la propriété, tel que déterminé par le droit national, sont détenus par une ou plusieurs femmes et dont la gestion et le contrôle sont assurés par une ou plusieurs femmes qui prennent les décisions stratégiques et opérationnelles importantes au nom de l’entreprise.
Renforcer les compétences des femmes entrepreneures
La ZLECAF est populaire. La quasi totalité des entrepreneurs, ont connaissance de son existence et de son importance. Mais un problème demeure: pas moins de sept protocoles sont rattachés à l’Accord portant création de la ZLECAF. Ces protocoles ont des annexes et celles-ci des appendices rendant ainsi difficile la compréhension de la ZLECAf pour les non initiés, pour les femmes en particulier. Or, sans cette maîtrise, il n’est pas possible d’en tirer profit.
Le manque de compétences est un des plus grands handicaps à l’entrepreneuriat féminin. C’est pourquoi beaucoup de femmes sont dans l’entrepreneuriat de nécessité où elles gagnent 34% de moins que les hommes. Dès lors, pour aider les femmes entrepreneures à tirer profiter de la ZLECAF, un accent particulier doit être mis sur la formation. Celle-ci est le seul moyen de transférer la connaissance. Il faut donc renforcer les compétences des femmes entrepreneures à travers la formation.
La formation est tout aussi importante pour les entrepreneures instruites et qui sont dans l’entrepreneuriat d’opportunité. En effet, le caractère technique de la ZLECAF et du numérique ne rendent pas évidente leur maitrise.
La formation renforcera les compétences des femmes entrepreneures qu’elles soient dans l’entrepreneuriat de nécessité ou d’opportunités. Le numérique sera utile pour accélérer cette formation en surmontant les difficultés liées au déplacement des femmes. Le numérique peut aider à promouvoir le commerce transfrontalier des biens comme des services. Il ne s’agira plus seulement de traverser la frontière physiquement, mais aussi digitalement.
Améliorer l’ accès aux financements des femmes entrepreneures
Les femmes entrepreneures se heurtent à de multiples obstacles pour accéder aux financements. L’accès difficile au financement est le principal facteur bloquant pour démarrer une entreprise. Il surgit également tout au long de la vie de l’entreprise. Il est nécessaire pour lui donner des chances de réussite.
La Zlecaf présente de nombreuses opportunités pour les femmes entrepreneures. Mais, sans accès aux financements, elles ne pourront pas en tirer profit.
La question du financement est prise en compte par la ZLECAf. Ainsi, l’article 10 du protocole des femmes et des jeunes dans le commerce en tient compte pour la réussite des femmes dans la ZLECAF. Il exhorte donc les Etats parties, conformément à leur législation nationale, à mettre en œuvre des mesures idoines pour faciliter cet accès au financement. A cet effet, les Etats-parties collaboreront avec les prestataires de services financiers pour faciliter l’accès à des instruments financiers abordables. En plus de ces instruments financiers, les garanties aux opérations d’import-export devront également être mises en place pour sécuriser leurs activités.
Promouvoir les associations et réseaux de femmes entrepreneures
Le secteur de l’entrepreneuriat s’expose à de nombreux défis qui peuvent concerner le management, l’accès au financement et l’accès au marché. Seul, l’entrepreneur a souvent de faibles chances de surmonter tous les obstacles. Mais en coopérant avec d’autres entrepreneurs, ces problèmes pourraient être facilement résolus. C’est la raison d’être des différents réseaux d’entrepreneurs qui peuvent avoir comme mission de :
- Contribuer au développement des compétences des membres,
- Créer un contexte favorable à la détection d’opportunités et à l’accès à des ressources tout en permettant aux membres d’affiner leur modèle économique, et, enfin, aider les membres à mieux connaître leurs concurrents, leurs consommateurs, et les règles de leur marché afin d’agir plus efficacement dans « leur monde d’affaires ».
Ces entrepreneures peuvent évoluer dans un même secteur d’activités ou non. Le réseau permet de créer une communauté d’entrepreneurs avec différents liens. Ces réseaux existent dans certains pays mais également peuvent avoir une vocation régionale voire continentale.
Le staff des associations de femmes entrepreneures doit être bien formé pour faciliter la transmission de l’information aux membres.
Développer le plaidoyer à l’égard des femmes
Le Plaidoyer est une fonction importante. Il est crucial pour porter les préoccupations des femmes entrepreneures aux instances telles que les Etats, les organisations régionales, continentales et internationales. Il s’agira pour les organisations de défenses des intérêts des femmes d’appeler à l’action. Le protocole à l’Accord de la ZLECAF sur les femmes et les jeunes dans le commerce facilite le plaidoyer. En effet, celui-ci sollicite des Etats parties, des actions concrètes à l’endroit des femmes.
En s’appuyant sur les organisations ci-dessus, les femmes entrepreneures s’impliqueraient davantage dans la définition des positions de négociations commerciales sur la ZLECAF, sa mise en œuvre et son évaluation des accords commerciaux. Un accent particulier devra également être mis sur la création de fonds d’investissements privés destinés aux femmes. Il en sera de même pour l’utilisation des fonds d’investissements des femmes en priorité pour agrandir les entreprises de femmes.
En conclusion, pour aider les femmes entrepreneures à tirer profit de la ZLECAF, il faut renforcer leurs compétences, faciliter leurs accès aux financements et promouvoir leurs associations et réseaux. A cet effet, la collaboration de cabinets spécialisés comme AssomeMbodja&Associates sera d’un apport certain.
Assomembodja&Associates s’est donné pour mission d’aider les investisseurs étrangers et les entreprises africaines à accéder aux marchés et à mieux commercialiser leurs biens et services.
[1] Banque mondiale, libérer le potentiel des femmes entrepreneures P.7
[2] UNECA, Rapport sur l’Entrepreneuriat Féminin
[3] BAD, Initiative pour favoriser l’accès des femmes au financement en Afrique (AFAWA)
[4] BAD, Initiative pour favoriser l’accès des femmes au financement en Afrique (AFAWA)
[5] ’’Les femmes entrepreneures : véritable richesse de l’Afrique’ banque africaine de développement’ Etude analytique « pour un meilleur développement en Afrique » publié en 2004 et cité par (Moroccan Journal of Entrepreneurship, Innovation and Management (MJEIM) ISSN: 2509-0429 Volume 5, numéro2, 2020 108).