La comptabilité au Sénégal, guide pour entrepreneurs!

La comptabilité constitue l’épine dorsale de toute entreprise, quelle que soit sa taille ou son secteur d’activité. Au Sénégal, comme dans les 16 autres pays membres de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), la tenue de la comptabilité s’inscrit dans un cadre juridique harmonisé qui offre aux entrepreneurs une sécurité juridique et une lisibilité financière essentielles.

Ce guide vise à démystifier les exigences comptables pour les entrepreneurs sénégalais, en expliquant comment le système OHADA structure les obligations comptables, et comment celles-ci peuvent être transformées d’une simple contrainte réglementaire en un véritable outil de pilotage stratégique pour l’entreprise.

Qu’est-ce que la comptabilité et pourquoi est-elle essentielle ?

Définition fondamentale

La comptabilité peut être définie comme “un ensemble de systèmes d’information subjectifs ayant pour objet la mesure de la valeur des moyens et des résultats d’une entité” (Comptabilité générale, Jacques Richard et Christine Collette, Dunod 2008). En termes plus accessibles, il s’agit d’un processus systématique d’enregistrement, de classification et de synthèse des transactions financières d’une entreprise.

La tenue d’une comptabilité est donc le processus de comptabilisation des entrées et sorties de fonds ainsi que de leur emplois ou ressources. C’est une phase essentielle de la formalisation des entreprises.

La formalisation permet à l’entrepreneur, à l’entreprise, à l’Etat, aux banques et investisseurs d’avoir une visibilité sur les performances de l’entreprise.

Rôle stratégique de la comptabilité pour l’entreprise

La comptabilité va bien au-delà d’une simple exigence légale car elle est aussi bien importante pour les entreprises que les parties prenantes externes.

Importance de la comptabilité pour les entreprises

La comptabilité constitue un véritable tableau de bord qui permet à l’entrepreneur de :

• Visualiser les performances réelles : En mesurant précisément le chiffre d’affaires, les coûts et les marges, la comptabilité offre une image fidèle de la santé financière de l’entreprise.
• Prendre des décisions éclairées : Les données comptables permettent d’identifier les activités rentables et celles qui le sont moins, facilitant ainsi les décisions stratégiques.
• Gérer efficacement la trésorerie : La comptabilité aide à anticiper les besoins en trésorerie et à éviter les crises de liquidité, problème majeur pour de nombreuses PME.
• Planifier l’avenir : Les tendances identifiées dans les données comptables permettent de construire des projections financières réalistes.

Importance pour les parties prenantes externes

Au-delà de l’entrepreneur lui-même, la comptabilité sert également :

• L’État et les autorités fiscales : Pour déterminer les obligations fiscales de l’entreprise.
• Les banques et investisseurs : Pour évaluer la solvabilité et la rentabilité de l’entreprise avant d’accorder des financements.
• Les partenaires commerciaux : Pour établir la crédibilité financière de l’entreprise auprès des fournisseurs et clients.

Le cadre réglementaire OHADA au Sénégal

Présentation du SYSCOHADA révisé

Le Sénégal, en tant que membre de l’OHADA, applique le Système Comptable OHADA (SYSCOHADA). Ce référentiel a connu une révision majeure adoptée le 26 janvier 2017 et entrée en vigueur le 1er janvier 2018 pour les comptes personnels et le 1er janvier 2019 pour les comptes consolidés.

Cette révision visait à moderniser le système comptable pour l’adapter aux évolutions économiques et aux meilleures pratiques internationales, tout en préservant les spécificités du contexte africain.

Champ d’application et exceptions

Le SYSCOHADA s’applique à la majorité des entreprises sénégalaises, avec quelques exceptions notables :

• Les banques et établissements financiers suivent des règles spécifiques établies par la BCEAO.
• Les compagnies d’assurance appliquent le code CIMA.
• Les sociétés cotées et celles recherchant un financement sur le marché des capitaux doivent appliquer les normes IFRS.

Obligation universelle de tenue comptable

L’article 13 de l’Acte Uniforme OHADA sur le droit commercial général est sans ambiguïté : “Tout commerçant, personne physique ou morale, doit tenir tous les livres de commerce conformément aux dispositions de l’Acte Uniforme relatif à l’organisation et à l’harmonisation des comptabilités des entreprises.”

Cette obligation s’étend à toutes les formes d’entreprises, quelles que soient leur taille ou leur forme juridique. Même les entrepreneurs individuels et les micro-entreprises sont soumis à cette exigence, bien que les modalités puissent être simplifiées.

Les systèmes comptables adaptés aux différentes catégories d’entreprises

Le SYSCOHADA reconnaît la diversité du tissu économique en proposant différents niveaux d’exigences comptables selon la taille et la nature de l’entreprise.

Le Système Normal pour les moyennes et grandes entreprises

Les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 100 millions de FCFA doivent appliquer le système normal, qui implique :

• La tenue d’une comptabilité complète en partie double
• L’établissement d’états financiers annuels complets (bilan, compte de résultat, tableau de flux de trésorerie, notes annexes)
• Le respect intégral du plan comptable OHADA

Le Système Minimal de Trésorerie (SMT) pour les très petites entreprises

Les très petites entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 30 millions de FCFA peuvent opter pour le Système Minimal de Trésorerie, qui se concentre sur :

• L’enregistrement chronologique des encaissements et décaissements
• L’établissement d’un état des recettes et des dépenses
• Un inventaire simplifié des actifs et passifs

Cette approche allégée permet aux petits entrepreneurs de respecter leurs obligations légales sans être submergés par des exigences comptables disproportionnées.

Le Système Intermédiaire pour les petites entreprises en croissance

Entre les deux seuils mentionnés ci-dessus, les entreprises appliquent le système intermédiaire, qui représente un compromis entre simplicité et rigueur comptable.

Comment mettre en place une comptabilité conforme aux exigences OHADA ?

L’entreprise peut définir une procédure comptable pour encadrer la tenue de la comptabilité.

L’entreprise tient sa comptabilité par la tenue de livres comptables retraçant :

• les entrées de fonds dans l’entreprise avec une indication de la provenance;
• les sorties de fonds avec une indication de la destination

Ces différentes opérations doivent s’accompagner d’un document qui prouve leur véracité: ce sont les pièces comptables. Celle -ci font référence au reçu de paiement, de décharges, des copies de chèques, des factures d’achat…

En comptabilité, il existe des carnets de caisse, des livre journal, des journaux de banque. Tous ces éléments servent à l’enregistrement des opérations comptables.

Le Sénégal étant membre de l’OHADA, la comptabilité obéit aux obligations du SYSCOHADA.

Les documents comptables obligatoires

Selon la taille de l’entreprise et le système comptable applicable, plusieurs documents sont nécessaires :

• Le livre-journal : Enregistrement chronologique de toutes les opérations financières
• Le grand livre : Regroupement des opérations par compte
• La balance : Récapitulatif des soldes de tous les comptes
• Le livre d’inventaire : Récapitulatif annuel des actifs et passifs
• Les états financiers annuels : Bilan, compte de résultat et annexes

Les principes fondamentaux à respecter

Quelle que soit la taille de l’entreprise, certains principes comptables fondamentaux doivent être respectés :

• La prudence : Ne pas surestimer les actifs et les produits, ni sous-estimer les passifs et les charges
• La permanence des méthodes : Appliquer les mêmes règles d’évaluation d’un exercice à l’autre
• La sincérité : Présenter une image fidèle de la situation financière
• La séparation des exercices : Rattacher les charges et produits à l’exercice auquel ils se rapportent

Les pièces justificatives et leur conservation

Chaque opération comptabilisée doit être appuyée par une pièce justificative :

• Factures d’achat et de vente
• Reçus de paiement
• Relevés bancaires
• Bordereaux de versement ou de retrait
• Contrats et conventions

Ces documents doivent être conservés pendant au moins 10 ans, conformément aux dispositions de l’OHADA.

L’évolution vers la digitalisation comptable au Sénégal

La facturation électronique obligatoire à l’horizon 2025

Le Sénégal prévoit d’introduire la facturation électronique obligatoire pour toutes les transactions commerciales à partir de 2025. Cette initiative majeure, incluse dans le projet de loi de finances 2025, vise à moderniser les pratiques comptables et à améliorer la conformité fiscale.

Les entrepreneurs sénégalais devront donc s’adapter à cette évolution technologique qui, si elle représente un changement important, offrira à terme de nombreux avantages en termes d’efficacité et de fiabilité.

Les logiciels de comptabilité adaptés au SYSCOHADA

Pour faciliter la tenue d’une comptabilité conforme, de nombreux logiciels spécialement adaptés au contexte OHADA sont disponibles sur le marché. Ces solutions informatiques permettent de :

• automatiser une grande partie des écritures comptables
• générer facilement les états financiers réglementaires
• réduire les risques d’erreurs
• gagner un temps précieux dans la gestion administrative

Le choix du logiciel dépendra de la taille de l’entreprise, de la complexité de ses opérations et de son budget.

Internaliser ou externaliser sa comptabilité ?

L’enregistrement des entrées et sorties dans l’entreprise incombe généralement au comptable. Dans certains cas relatifs aux micro petites entreprises, l’entrepreneur lui même ou chef d’entreprise s’en charge. Au Sénégal il existe également les centres de gestions agréés sises dans les chambres de commerces. Ces centres aident les entreprises à enregistrer leurs opérations comptables en échange du paiement d’une modique somme.

Dans certains cas, cette mission est confiée à des Cabinet d’expert comptables. En outre, pour effectuer sa déclaration annuelle, il est nécessaire de recourir à un expert comptable pour les sociétés.

Il existe également des cabinets qui accompagnent les entreprises dans l’accomplissement de leurs activités quotidiennes. La tenue de comptabilité figure parmi les services de leurs portefeuilles. C’est ainsi que le Cabinet Services Success PME offre aux entreprises des services de tenue de comptabilité. Il a d’ailleurs réalisé une vidéo sur la tenue d’une comptabilité sincère.

Critères de décision

La décision pour une entreprise d’internaliser ou d’externaliser la tenue de sa comptabilité est souvent complexe pour les petites entreprises. En effet, dans les moyennes et grandes entreprises, le souci se pose moins puisque l’entreprise a atteint un niveau d’activité constituant suffisamment de matière pour nécessiter les services d’un comptable à temps plein. Ce n’est pas le cas des petites entreprises ou de celles dont les activités débutent. Dans ce cas alors, externaliser les services de comptabilité pourraient être une bonne option.

La question de l’internalisation ou de l’externalisation de la fonction comptable se pose pour de nombreux entrepreneurs sénégalais. Plusieurs facteurs doivent être pris en compte :

• Le volume d’activité : Plus le nombre de transactions est élevé, plus l’internalisation devient pertinente.
• La complexité des opérations : Des opérations complexes (transactions internationales, opérations financières sophistiquées) peuvent justifier un recours à des experts externes.
• Les compétences disponibles : L’internalisation nécessite des compétences techniques spécifiques.
• Le budget disponible : L’externalisation représente un coût fixe, tandis que l’internalisation implique souvent un investissement initial plus important mais potentiellement plus économique à long terme.

Les options d’externalisation au Sénégal

Pour les entrepreneurs qui choisissent d’externaliser leur comptabilité, plusieurs options existent au Sénégal :

• Les centres de gestion agréés : Situés dans les chambres de commerce, ils offrent des services comptables à moindre coût pour les petites entreprises.
• Les cabinets d’expertise comptable : Ils fournissent des services plus complets, incluant la tenue comptable, l’établissement des états financiers et le conseil fiscal.
• Les cabinets spécialisés dans l’accompagnement des PME : Des structures comme le Cabinet Services Success PME proposent des services adaptés aux besoins spécifiques des petites et moyennes entreprises.

L’option d’internalisation progressive

Une approche pragmatique consiste à adopter une stratégie d’internalisation progressive :

1. Commencer par externaliser l’ensemble de la fonction comptable
2. Se former progressivement aux principes comptables essentiels
3. Internaliser d’abord les tâches les plus simples (saisie des factures, rapprochements bancaires)
4. Continuer à déléguer les aspects techniques (déclarations fiscales, établissement des états financiers)

Cette approche permet de bénéficier à la fois de l’expertise externe et d’une maîtrise croissante de sa comptabilité.

Les avantages compétitifs du cadre OHADA pour les entreprises sénégalaises

Sécurité juridique et confiance des partenaires

Le cadre OHADA offre une sécurité juridique précieuse qui facilite les relations d’affaires, tant au niveau national qu’international :

• Harmonisation régionale : Les règles identiques dans 17 pays facilitent les échanges transfrontaliers
• Prévisibilité juridique : Le cadre stable permet une meilleure planification des activités
• Crédibilité renforcée : La conformité aux standards OHADA rassure les partenaires internationaux

Facilité d’accès au financement

Une comptabilité bien tenue selon les normes OHADA améliore significativement l’accès au financement :

• Évaluation facilitée par les banques : Des états financiers standardisés permettent aux institutions financières d’évaluer plus facilement la solvabilité des entreprises
• Attractivité pour les investisseurs : La transparence financière rassure les potentiels investisseurs
• Éligibilité aux programmes de soutien : De nombreux programmes d’appui aux PME exigent une comptabilité formalisée

Résolution efficace des litiges commerciaux

Le cadre OHADA inclut également un mécanisme d’arbitrage particulièrement avantageux pour les entreprises sénégalaises :

• Procédures simplifiées : L’arbitrage OHADA offre des procédures plus rapides que les tribunaux classiques
• Confidentialité : Les litiges sont traités de manière discrète, préservant la réputation des entreprises
• Expertise spécifique : Les arbitres sont généralement des spécialistes du droit des affaires

Conclusion : La comptabilité comme outil stratégique plutôt que simple obligation

Au terme de cette exploration du cadre comptable sénégalais sous l’égide de l’OHADA, un constat s’impose : la comptabilité ne doit pas être perçue comme une simple contrainte réglementaire, mais comme un véritable levier de développement pour l’entreprise.

Loin d’être une simple accumulation de chiffres et de documents, une comptabilité bien tenue constitue un tableau de bord qui permet à l’entrepreneur de piloter efficacement son activité, d’identifier les opportunités de croissance et de prévenir les difficultés.

Pour les petites entreprises qui hésitent encore à franchir le pas de la formalisation comptable, il est essentiel de comprendre que les bénéfices dépassent largement les contraintes :

• Une meilleure maîtrise de son activité
• Un accès facilité aux financements
• Une crédibilité renforcée auprès des partenaires
• Une capacité accrue à anticiper l’avenir

À l’aube de transformations majeures comme l’introduction de la facturation électronique, les entrepreneurs sénégalais ont tout intérêt à s’approprier pleinement les outils comptables. Qu’ils choisissent d’internaliser cette fonction ou de la confier à des experts, l’essentiel est de considérer la comptabilité non comme une charge administrative, mais comme un instrument indispensable de pilotage stratégique et de création de valeur.