Les technologies de surveillance discrètes et non-intrusives

Les technologies de surveillance discrètes et non-intrusives

# Technologies de surveillance discrètes au Sénégal : entre sécurité, éthique et respect des libertés

La montée des technologies de surveillance discrètes au Sénégal transforme progressivement le paysage sécuritaire tout en soulevant d’importantes questions éthiques sur la protection de la vie privée des citoyens et le respect des libertés individuelles.

## L’évolution des systèmes de surveillance au Sénégal : un tournant technologique discret

Le Sénégal, comme de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest, connaît une transformation digitale remarquable ces dernières années. Cette modernisation s’accompagne d’un déploiement progressif de technologies de surveillance discrètes visant à renforcer la sécurité nationale, prévenir la criminalité et améliorer la gestion urbaine.

Depuis 2019, Dakar a commencé à déployer un réseau de caméras de surveillance dans le cadre du projet “Safe City”. Ce programme, financé en partie par la coopération chinoise, a permis l’installation de plus de 1500 caméras dans la capitale sénégalaise. Contrairement aux systèmes traditionnels, ces dispositifs sont équipés de technologies avancées comme la reconnaissance faciale et l’analyse comportementale, capables de fonctionner sans attirer l’attention.

L’intégration de ces technologies s’est accélérée avec la pandémie de COVID-19, période durant laquelle les autorités ont renforcé leur capacité de surveillance pour faire respecter les mesures sanitaires. Le projet s’est étendu aux autres grandes villes comme Thiès, Saint-Louis et Touba, créant progressivement un maillage national.

## Les différentes technologies non-intrusives déployées sur le territoire

### La vidéosurveillance intelligente

Le système de vidéosurveillance sénégalais ne se limite plus à de simples caméras passives. Les nouveaux dispositifs intègrent des algorithmes d’intelligence artificielle capables d’analyser les comportements suspects, de détecter des objets abandonnés ou d’identifier des individus recherchés. Ces caméras, souvent camouflées dans le mobilier urbain ou installées de manière discrète, permettent une surveillance continue sans perturber la vie quotidienne des citoyens.

Selon un rapport de l’Agence de l’Informatique de l’État (ADIE) publié en 2022, ces systèmes ont contribué à une réduction de 27% des crimes dans les zones équipées de Dakar, démontrant leur efficacité tout en restant relativement peu visibles dans l’espace public.

### Les technologies biométriques

Le Sénégal a investi massivement dans les technologies biométriques, notamment à travers le programme national d’identification biométrique lancé en 2016. Ce système collecte et centralise les empreintes digitales, les données faciales et d’autres identifiants biométriques des citoyens.

Cette base de données est progressivement connectée aux systèmes de surveillance dans les espaces publics, permettant une identification rapide et discrète des individus sans nécessiter d’interaction directe. En 2023, plus de 8 millions de Sénégalais étaient enregistrés dans cette base, facilitant l’identification passive dans de nombreux contextes.

### La surveillance des communications

Bien que moins visible que les caméras, la surveillance des communications représente un volet important du dispositif sécuritaire sénégalais. L’Agence Nationale de la Cybersécurité (ANCS), créée en 2020, dispose de capacités d’interception et d’analyse des communications électroniques pour détecter des menaces potentielles.

Cette surveillance s’effectue principalement via des technologies DPI (Deep Packet Inspection) qui permettent d’analyser le contenu des communications internet sans perturber le flux normal des données, rendant la surveillance pratiquement indétectable pour les utilisateurs ordinaires.

## Applications concrètes : quand la discrétion renforce l’efficacité

### Sécurité urbaine et gestion du trafic

À Dakar, le Centre de Commandement et de Contrôle des Opérations d’Urgence, inauguré en 2021, centralise les flux de données provenant des différentes technologies de surveillance. Ce centre permet une réponse rapide aux incidents et une gestion optimisée du trafic routier.

La discrétion des dispositifs contribue à leur efficacité : les automobilistes ignorant l’emplacement exact des caméras tendent à respecter davantage le code de la route sur l’ensemble du réseau routier. Selon la Direction des Transports Terrestres, cette approche a contribué à une diminution de 18% des accidents de la route dans l’agglomération dakaroise entre 2021 et 2023.

### Lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée

Le Sénégal, bien que relativement épargné par le terrorisme comparé à certains pays voisins comme le Mali, a renforcé ses capacités de surveillance discrète pour prévenir toute menace potentielle. Les technologies non-intrusives permettent de surveiller les zones sensibles comme les infrastructures critiques, les sites touristiques ou les frontières sans présence policière massive.

Cette approche s’est révélée particulièrement utile dans la région de Casamance où, selon les données officielles du Ministère de l’Intérieur, plusieurs opérations contre des réseaux de trafic ont été facilitées par ces technologies, conduisant à une baisse de 33% des activités illicites détectées entre 2020 et 2023.

### Protection des espaces publics

Les grands événements culturels et sportifs bénéficient également de ces technologies discrètes. Lors de la Biennale de Dakar en 2022 et des Jeux Olympiques de la Jeunesse prévus à Dakar en 2026, les systèmes de surveillance discrets permettent d’assurer la sécurité sans altérer l’expérience des participants par une présence sécuritaire trop visible.

## Comparaison avec d’autres modèles africains et internationaux

### Le modèle rwandais : une inspiration proche

Le Rwanda est souvent cité comme modèle africain en matière de surveillance urbaine. Kigali dispose depuis 2016 d’un réseau intégré de caméras couvrant l’ensemble de la ville. Cette approche a inspiré les autorités sénégalaises qui ont envoyé plusieurs délégations techniques à Kigali pour s’inspirer de leur expérience.

Toutefois, le modèle sénégalais se distingue par une plus grande transparence sur les finalités et l’encadrement juridique des technologies déployées, reflétant la tradition démocratique du pays.

### Différences avec le modèle européen

Contrairement à l’Europe où le RGPD impose des contraintes strictes sur la collecte et l’utilisation des données personnelles, le cadre réglementaire sénégalais reste en développement. La Commission de Protection des Données Personnelles (CDP) du Sénégal, créée en 2008, travaille à l’élaboration de normes adaptées au contexte local, mais les ressources limitées compliquent l’application systématique des protections.

Cette différence d’approche s’explique en partie par les priorités sécuritaires distinctes et les ressources disponibles, même si le Sénégal s’inspire progressivement des standards internationaux pour améliorer son cadre réglementaire.

## Les enjeux éthiques et juridiques de la surveillance discrète

### Le cadre légal sénégalais

La loi n°2008-12 du 25 janvier 2008 sur la protection des données personnelles constitue le principal texte encadrant l’utilisation des technologies de surveillance au Sénégal. Cependant, cette législation, adoptée avant l’émergence des technologies actuelles, montre certaines limites face aux enjeux contemporains.

Un projet de révision est en cours depuis 2021 pour mieux encadrer l’utilisation des technologies

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