Alors que le tissu entrepreneurial sénégalais s’enrichit de startups et de PME ambitieuses, les services d’appui aux entreprises — qu’il s’agisse de financements, formations, incubations ou conseils — se multiplient. Mais ces dispositifs ont-ils un réel impact sur la croissance des entreprises soutenues ? Pour y répondre, il est indispensable de mesurer leur retour sur investissement (ROI). Cette analyse explore les méthodes d’évaluation pertinentes dans le contexte sénégalais, détaille les indicateurs à suivre, et s’appuie sur des cas pratiques concrets.
Définir le ROI dans l’écosystème entrepreneurial sénégalais
Dans le contexte de l’accompagnement entrepreneurial, le ROI ne se limite pas aux seuls indicateurs financiers. Il combine souvent des données économiques (chiffre d’affaires, emplois créés), sociales (intégration des femmes, formalisation d’activités) et structurelles (pérennité des entreprises).
Calcul classique adapté
La formule la plus répandue reste :
\[ ROI = \frac{Bénéfices \ nets – Coûts \ d’investissement}{Coûts \ d’investissement} \times 100 \]
Elle s’adapte aux programmes d’appui en prenant en compte aussi bien les retombées économiques (croissance du chiffre d’affaires, attractivité territoriale) que les retombées sociales (amélioration du niveau de vie ou autonomisation des entrepreneurs)[7].
Un exemple clé : le Bureau de Mise à Niveau (BMN) a injecté 1 milliard FCFA pour appuyer 52 entreprises, ce qui a généré 4,7 milliards d’investissements privés. Cela représente un ROI financier direct de près de 370% [(4,7 – 1)/1 × 100][9].
Indicateurs de performance clés pour évaluer un service d’appui
Afin de mesurer objectivement l’impact, plusieurs indicateurs clés de performance (KPIs) peuvent être utilisés. Ils varient selon la nature du service proposé :
Financement et capital
Le multiplicateur de capital est un indicateur efficace. Ainsi, les appuis fournis par le BMN ont généré, pour 1 franc investi, 4,7 francs supplémentaires dans l’économie nationale[9]. D’autres programmes révèlent un taux de rendement interne moyen de 21,4% pour les investissements individuels soutenus, notamment par le FAISE[6].
Formation et accompagnement
Les effets des formations peuvent être mesurés via :
– L’augmentation de la productivité (+40% dans les programmes entrepreneuriaux cofinancés par ADA et LuxDev)[11]
– Le nombre de compétences métiers certifiées (5,7 en moyenne pour les PME suivies)[5]
Impact social : formalisation et emploi
Les programmes orientés vers l’économie informelle (souvent orientés femmes, jeunes ou zones rurales) s’évaluent par :
– Le taux de formalisation après l’appui (+37% en 5 ans dans un programme agricole holistique)[14]
– Le nombre d’emplois créés, directs et indirects (un emploi formel en génère 3,2 supplémentaires dans la chaîne économique locale)[3]
Méthodologies d’évaluation adaptées au contexte sénégalais
Retour social sur investissement (SROI)
Le SROI intègre des dimensions qualitatives liées à l’évolution des conditions de vie. Il est utilisé notamment dans les programmes d’inspiration nord-européenne, comme celui du PCESA au Burkina Faso. Au Sénégal, cette approche s’appliquerait utilement aux programmes ruraux ou genrés. Par exemple, pour chaque franc CFA investi dans le PNPER, l’État constate un gain social de 2,3 FCFA en revenus agricoles supplémentaires.
Tableaux de bord équilibrés
Certains acteurs sénégalais adoptent des tableaux de performance pour un suivi multiperspectif. Le cabinet sénégalais Services Success PME (2SPME) illustre bien cette pratique. Avec une méthode de reporting structuré, il évalue ses effets sur :
– La croissance moyenne des entreprises accompagnées : +28% annuel
– Le délai moyen de résolution d’un blocage entrepreneurial : réduit à 11 jours (contre 42 sans assistance)
– La satisfaction client : 94% de taux favorable selon les retours post-suivi
– L’évolution de compétences : 5,7 certifications techniques par entreprise, en moyenne[5]
Acteur de proximité, 2SPME s’engage auprès des TPE, jeunes et femmes entrepreneurs sénégalais, à différents niveaux de maturité (pré-création ou croissance). Ses offres sur mesure combinent diagnostic, formations spécialisées et mentorat, en partenariat avec des experts locaux et internationaux.
Études de cas emblématiques au Sénégal
Le Programme National de Promotion de l’Entrepreneuriat Rural (PNPER)
Avec 103 milliards FCFA investis entre 2020 et 2023, le PNPER a généré :
– 2,3 FCFA de revenu agricole additionnel par franc investi
– 214 000 ménages sortis de l’extrême pauvreté
– un bond de 19 points du taux de bancarisation dans les zones rurales[6]
Ce programme démontre que l’investissement public dans l’appui entrepreneurial rural peut transformer structurellement des économies locales.
Le Fonds d’Appui à l’Investissement des Sénégalais de l’Extérieur (FAISE)
Le FAISE favorise le retour et l’investissement productif de la diaspora :
– Enveloppe 2025 : 2,5 milliards FCFA
– 73 projets industriels financés
– Un emploi durable créé toutes les 833 000 FCFA investis
– Taux de rendement interne : 21,4%[6]
Ce fonds allie impact économique et diplomatie économique, en dynamisant des filières industrielles émergentes grâce à la mobilisation des épargnants sénégalais de l’étranger.
Comparaisons africaines : inspirations régionales
Village Capital en Ouganda
L’accompagnement entrepreneurial en Ouganda via Village Capital combine mentorat, capital patient et évaluation par les pairs. Il en ressort un effet de levier impressionnant : 1 dollar d’appui génère jusqu’à 8,70 dollars en impact fiscal et économique.
Le programme W d’Access Bank au Nigeria
Déployé à grande échelle, ce programme de soutien aux femmes entrepreneures repose sur un cycle intégré de formation, crédits et réseautage. Il a permis un taux de survie des entreprises de 87% à trois ans, en zone urbaine fortement concurrentielle.
Recommandations stratégiques pour renforcer la mesure de l’impact
Pour améliorer la lisibilité des résultats des services d’appui, les acteurs devront :
– Harmoniser les indicateurs (par exemple, utiliser un référentiel commun de performance par secteur)
– Valoriser les effets indirects (emplois induits, formalisation, autonomisation sociale)
– Diffuser les résultats via des plateformes accessibles et ouvertes à la comparaison inter-pays
Le Sénégal, à travers des outils comme les données du BMN ou les initiatives de structures comme 2SPME, possède déjà des bases solides. Il s’agit désormais d’unifier ces pratiques dans une logique de pilotage par la performance à l’échelle nationale.
Pour consulter d’autres analyses ou décryptages en lien avec l’entrepreneuriat au Sénégal, consultez le profil du rédacteur.
Références
– [Rapport du Ministère des Finances du Sénégal – PRES, PNPER, BSF](https://www.dpee.sn/sites/default/files/2023-01/BS1_2022.pdf)
– [Semji – Mesure du ROI marketing : KPIs à suivre](https://semji.com/fr/blog/mesurer-roi-contenu/)
– [Argidius/Village Capital – Africa Accelerator Study](https://www.argidius.com/publications/ecosystem-builders-acceleration-africa/)
– [3sixfive – Mesurer le ROI du service client](https://3sixfive.co.uk/blog/measure-roi-customer-service/)
– [2SPME – Services d’Appui et Accompagnement](https://fournisseursdeservices.com/services-success-pme/)
– [FAISE – Appui aux investissements de la diaspora](https://www.diaspora.sn/)
– [Moodle – Calcul du ROI d’une LMS](https://moodle.com/news/calculate-roi/)
– [BMN – 4,7 milliards d’investissement induits](https://bmn.sn/)
– [ADA-LuxDev – Rapport Impact Sénégal](https://www.ada-microfinance.org/)
– [Legaf