Les services de répit pour les aidants familiaux

Les services de répit pour les aidants familiaux

# Les services de répit pour les aidants familiaux au Sénégal : un besoin croissant face aux défis de la solidarité traditionnelle

Les services de répit pour les aidants familiaux au Sénégal représentent une nécessité grandissante dans un contexte où les structures familiales traditionnelles évoluent rapidement face à l’urbanisation et aux changements sociétaux. Cette réalité, souvent méconnue, touche des milliers de Sénégalais qui s’occupent quotidiennement d’un proche malade, âgé ou en situation de handicap.

## La réalité des aidants familiaux au Sénégal : entre tradition et nouveaux défis

Au Sénégal, la prise en charge des personnes âgées ou en situation de handicap repose traditionnellement sur la famille. Cette solidarité familiale, ancrée dans les valeurs culturelles et religieuses, constitue depuis des générations le principal filet social du pays. Selon les données de l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD), près de 9% de la population sénégalaise vit avec un handicap, et le pays compte environ 930 000 personnes âgées de plus de 60 ans (soit 5,9% de la population).

Les aidants familiaux, majoritairement des femmes (76% selon une étude de l’ONG ACTED menée en 2019), assurent quotidiennement des soins parfois complexes, sans formation adéquate ni reconnaissance officielle. Ces personnes jonglent entre responsabilités professionnelles, familiales et soins aux proches dépendants, ce qui entraîne souvent épuisement physique et mental.

Fanta Diallo, résidente de Pikine, en témoigne : “Je m’occupe de ma mère atteinte d’Alzheimer depuis cinq ans. Entre mon travail, mes enfants et les soins quotidiens à ma mère, je n’ai plus de temps pour moi. Certains jours, c’est très difficile de tenir.”

## L’épuisement des aidants : un problème de santé publique méconnu

L’épuisement des aidants, connu sous le terme de “burn-out de l’aidant”, constitue une réalité encore peu documentée au Sénégal, mais dont les conséquences sont bien réelles. Selon le Dr. Mamadou Ndiaye, psychiatre au Centre Hospitalier National Universitaire de Fann, “l’épuisement des aidants familiaux se manifeste par des troubles anxieux, dépressifs, des problèmes de sommeil et une détérioration de la santé physique. C’est un phénomène que nous observons de plus en plus en consultation.”

Une enquête menée en 2020 par l’Association Sénégalaise de Soutien aux Familles de Malades (ASSFAM) auprès de 300 aidants dans la région de Dakar révèle que :
– 68% des aidants déclarent souffrir de fatigue chronique
– 57% rapportent des troubles du sommeil
– 42% font état de symptômes dépressifs
– 39% négligent leur propre santé

L’isolement social touche également 64% des personnes interrogées, qui affirment avoir considérablement réduit leurs activités sociales depuis qu’elles sont devenues aidantes.

## Qu’est-ce que le répit pour les aidants ?

Le répit désigne l’ensemble des dispositifs permettant aux aidants de prendre temporairement une pause dans leur rôle de soignant. Ces services visent à offrir un temps de récupération physique et psychologique tout en garantissant la continuité des soins à la personne aidée.

Mamadou Sow, coordinateur de programmes sociaux à l’ONG “Agir Ensemble”, explique : “Le répit n’est pas un luxe mais une nécessité. Il permet aux aidants de préserver leur santé, de maintenir leur équilibre personnel et, par conséquent, d’améliorer la qualité des soins qu’ils prodiguent.”

## Les formes traditionnelles de répit au Sénégal

Historiquement, le répit au Sénégal s’organise principalement à travers les réseaux familiaux élargis. Ce système, ancré dans la culture sénégalaise, repose sur plusieurs mécanismes :

### Le système de rotation familiale

Dans de nombreuses familles sénégalaises, la prise en charge d’un parent âgé ou malade s’organise par rotation entre les enfants adultes. Cette pratique, connue sous le nom de “Nawetaan” (terme wolof signifiant “tour de rôle”), permet de répartir la charge et d’éviter l’épuisement d’un seul aidant.

Aïssatou Kane, sociologue à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, souligne : “Le Nawetaan représente une forme traditionnelle de répit qui a longtemps fonctionné dans notre société. Mais avec l’urbanisation, l’exode rural et l’émigration, ce système se fragilise car les membres de la famille sont souvent dispersés.”

### L’entraide communautaire et religieuse

Les structures communautaires comme les “Dahiras” (associations religieuses) ou les “Mbotaay” (groupements de femmes) constituent également des ressources traditionnelles permettant d’alléger la charge des aidants. Ces groupes organisent parfois des visites aux malades et personnes âgées, offrant ainsi quelques heures de répit aux aidants principaux.

## L’émergence de services de répit formels au Sénégal

Face à l’évolution des structures familiales et sociales, des initiatives formelles de répit commencent à voir le jour au Sénégal, principalement dans les zones urbaines.

### Les centres d’accueil temporaire

Quelques structures proposent désormais un accueil de jour ou temporaire pour les personnes dépendantes. La maison de retraite “Les Colombes” à Dakar, créée en 2010 par la Fondation Sonatel, offre un service d’accueil de jour pour les personnes âgées, permettant aux aidants de bénéficier de quelques heures de répit.

Le centre “Vivre Ensemble” à Thiès propose depuis 2018 un accueil hebdomadaire pour les enfants en situation de handicap, donnant ainsi aux parents un temps de repos régulier. Selon sa directrice, Mme Ndeye Fatou Diop, “ces journées sont précieuses pour les familles qui peuvent alors se consacrer à d’autres activités ou simplement se reposer.”

### Les services d’aide à domicile

Des initiatives d’aide à domicile professionnelle émergent progressivement. L’entreprise sociale “Sunugal Care”, fondée en 2016 à Dakar, forme et met à disposition des auxiliaires de vie qui peuvent relayer les aidants à domicile pour quelques heures ou quelques jours.

“Notre service répond à un besoin croissant, notamment dans les familles où tous les adultes travaillent”, explique Ousmane Diagne, fondateur de Sunugal Care. “Nous avons déjà accompagné plus de 200 familles à Dakar et sa banlieue.”

### Les programmes de formation et de soutien psychologique

Plusieurs ONG ont développé des programmes de formation et de soutien pour les aidants. L’Association Sénégalaise pour le Bien-Être Familial (ASBEF) organise depuis 2019 des groupes de parole mensuels pour les aidants familiaux à Dakar et Saint-Louis.

Le Centre de Santé Mentale Dalal Xel de Thiès propose quant à lui des sessions de formation aux techniques de soins et à la gestion du stress pour les familles de patients atteints de troubles mentaux.

## Comparaison avec d’autres

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