# Les services de transport adapté pour personnes à mobilité réduite au Sénégal : enjeux et perspectives
Le transport adapté pour personnes à mobilité réduite au Sénégal représente un défi majeur dans un pays où l’accessibilité urbaine demeure limitée et où les infrastructures de transport inclusives sont en développement progressif.
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## L’état actuel du transport adapté au Sénégal
Au Sénégal, la mobilité des personnes en situation de handicap constitue un enjeu sociétal de première importance. Selon les statistiques de l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD), environ 5,9% de la population sénégalaise vit avec un handicap, soit près d’un million de personnes. Parmi elles, une grande proportion fait face à des défis quotidiens pour se déplacer dans un environnement urbain peu adapté.
Dans les grandes villes comme Dakar, Saint-Louis ou Thiès, l’offre de transport public classique – dominée par les “cars rapides”, les “Ndiaga Ndiaye” et les taxis – n’est généralement pas conçue pour répondre aux besoins spécifiques des personnes à mobilité réduite. Les bus du réseau Dakar Dem Dikk, bien que plus modernes, ne disposent pas tous d’équipements adaptés comme des rampes d’accès ou des espaces réservés aux fauteuils roulants.
La Fédération Sénégalaise des Associations de Personnes Handicapées (FSAPH) souligne régulièrement que “l’accès au transport est un droit fondamental qui conditionne l’exercice de nombreux autres droits comme l’accès à l’éducation, à la santé et à l’emploi”.
## Cadre juridique et politique de l’accessibilité au Sénégal
Le Sénégal a ratifié en 2010 la Convention relative aux Droits des Personnes Handicapées (CDPH) des Nations Unies, s’engageant ainsi à garantir l’accessibilité des personnes handicapées à tous les aspects de la vie sociale, y compris les transports.
La loi d’orientation sociale n° 2010-15 du 6 juillet 2010 relative à la promotion et à la protection des droits des personnes handicapées constitue le principal cadre juridique national. Son article 31 stipule clairement que “l’État, les collectivités locales et les organismes publics et privés adaptent les moyens de transport en commun aux besoins des personnes handicapées”.
Malgré ce cadre juridique favorable, la mise en œuvre reste inégale. Le Programme National de Développement des Infrastructures de Transport (PNDIT) a commencé à intégrer des normes d’accessibilité dans certains projets, notamment pour le Bus Rapid Transit (BRT) de Dakar et le Train Express Régional (TER), mais ces initiatives demeurent insuffisantes face à l’ampleur des besoins.
## Les initiatives publiques et privées existantes
### Les projets gouvernementaux d’amélioration de l’accessibilité
Le gouvernement sénégalais, à travers le Ministère des Infrastructures, des Transports Terrestres et du Désenclavement, a lancé plusieurs initiatives visant à améliorer l’accessibilité des transports:
– Le Train Express Régional (TER) reliant Dakar à l’Aéroport International Blaise Diagne (AIBD) dispose de voitures accessibles aux personnes à mobilité réduite, avec des rampes d’accès et des espaces dédiés.
– Le projet de Bus Rapid Transit (BRT) de Dakar, dont la mise en service est prévue prochainement, intègre des normes d’accessibilité universelle avec des stations et des véhicules adaptés.
– Le Programme d’Amélioration de la Mobilité Urbaine (PAMU) a commencé à réhabiliter certaines infrastructures urbaines en incluant des normes d’accessibilité.
Selon Ousmane Thiam, ancien président du Conseil Exécutif des Transports Urbains de Dakar (CETUD), “ces projets structurants marquent une avancée significative, mais doivent être complétés par des services spécifiques de transport adapté pour répondre aux besoins particuliers des personnes à mobilité très réduite”.
### Les initiatives du secteur privé et associatif
Face à l’insuffisance des services publics, plusieurs acteurs privés et associatifs ont développé des solutions innovantes:
– L’Association Nationale des Handicapés Moteurs du Sénégal (ANHMS) a mis en place un service de transport adapté à Dakar avec quelques véhicules équipés de rampes ou d’élévateurs.
– Des startups comme “Mobilité Pour Tous” proposent des services de transport à la demande avec des véhicules adaptés, principalement dans la région de Dakar.
– Le projet “Accès Mobile”, soutenu par des partenaires internationaux, a lancé un service pilote de taxis adaptés dans certains quartiers de Dakar.
Ces initiatives, bien que prometteuses, restent limitées en termes de couverture géographique et de capacité face à la demande croissante.
## Les défis majeurs du transport adapté au Sénégal
### Obstacles infrastructurels et techniques
L’un des principaux défis concerne l’état des infrastructures urbaines. Amadou Diallo, directeur de l’ONG “Accessibilité Pour Tous”, explique que “même avec des véhicules adaptés, les personnes handicapées font face à un parcours d’obstacles: trottoirs impraticables, absence de rampes, chaussées dégradées”.
La vétusté du parc automobile et le coût élevé des équipements adaptés constituent également des freins majeurs. Un véhicule équipé d’une rampe ou d’un élévateur peut coûter deux à trois fois plus cher qu’un véhicule standard, rendant difficile l’investissement pour les opérateurs privés sans subventions.
Le manque de formation du personnel de transport aux besoins spécifiques des personnes handicapées aggrave ces difficultés techniques. Selon une étude de la FSAPH, près de 75% des chauffeurs et contrôleurs n’ont jamais reçu de formation sur l’accueil et l’assistance aux personnes à mobilité réduite.
### Défis économiques et financiers
Le financement durable des services de transport adapté constitue un défi majeur. Sans mécanismes de subvention spécifiques, ces services restent généralement plus coûteux pour l’usager, créant une double pénalisation pour les personnes handicapées déjà économiquement vulnérables.
D’après les données du Ministère de la Santé et de l’Action Sociale, le taux de pauvreté parmi les ménages incluant une personne handicapée est 15% plus élevé que la moyenne nationale, rendant l’accès à des services de transport adaptés mais coûteux particulièrement problématique.
Les opérateurs de transport adaptés font face à des coûts d’exploitation élevés que la seule tarification ne peut couvrir sans exclure une large part des usagers potentiels.
### Enjeux socioculturels et de sensibilisation
La perception sociale du handicap au Sénégal évolue, mais reste marquée par des préjugés et une méconnaissance des besoins spécifiques. Aïssatou Cissé, présidente de l’Association des Femmes Handicapées du Sénégal, témoigne: “Dans les transports, nous faisons face à l’impatience des autres usagers et parfois au refus des chauffeurs de nous prendre en charge, par crainte de ‘perdre du temps'”.
