# Faciliter la lecture aux personnes malvoyantes au Sénégal : solutions innovantes et accessibles
La malvoyance touche des milliers de Sénégalais qui peinent quotidiennement à accéder à l’information écrite, mais des solutions adaptées existent aujourd’hui pour faciliter leur lecture et améliorer leur autonomie.
## Les défis de la malvoyance au Sénégal : état des lieux et enjeux nationaux
Au Sénégal, la déficience visuelle représente un enjeu de santé publique majeur. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), environ 3% de la population sénégalaise souffre d’une déficience visuelle significative, soit plus de 500 000 personnes. Ces chiffres alarmants s’expliquent notamment par le vieillissement de la population, la prévalence du diabète et l’accès limité aux soins ophtalmologiques dans certaines régions rurales.
La malvoyance, souvent invisible pour l’entourage, engendre pourtant des difficultés considérables dans la vie quotidienne, notamment en matière d’accès à l’information écrite. L’alphabétisation et l’éducation des personnes malvoyantes constituent donc un défi majeur que le pays doit relever pour garantir l’inclusion sociale de tous ses citoyens.
Le gouvernement sénégalais, à travers le Ministère de la Santé et de l’Action Sociale, a progressivement pris conscience de cette problématique et mis en place plusieurs initiatives pour améliorer la prise en charge des déficients visuels. Cependant, les efforts restent insuffisants face à l’ampleur des besoins.
## L’évolution des solutions traditionnelles au Sénégal
Historiquement, l’accès à la lecture pour les personnes malvoyantes au Sénégal s’est principalement appuyé sur des méthodes traditionnelles. Le braille, système d’écriture tactile inventé par Louis Braille au XIXe siècle, a longtemps été la solution principale. L’Institut National d’Éducation et de Formation des Jeunes Aveugles (INEFJA) de Thiès, créé en 1982, a joué un rôle pionnier dans la diffusion de cette méthode au Sénégal.
L’INEFJA propose des ouvrages en braille et forme les enseignants aux techniques spécifiques d’apprentissage pour les élèves malvoyants. Toutefois, la production de documents en braille reste coûteuse et limitée. Selon les statistiques de l’INEFJA, moins de 5% des documents officiels sont disponibles en braille au Sénégal, ce qui constitue un frein majeur à l’intégration sociale et professionnelle des personnes malvoyantes.
À côté du braille, les livres audio ont également fait leur apparition. La Bibliothèque Sonore de Dakar, créée en 2005 avec le soutien d’ONG internationales, propose aujourd’hui près de 3 000 titres enregistrés par des bénévoles. Cette initiative, bien que précieuse, ne couvre qu’une infime partie des besoins documentaires des malvoyants sénégalais.
## Les technologies numériques au service des malvoyants sénégalais
L’avènement des technologies numériques a considérablement élargi le champ des possibles pour les personnes malvoyantes. Au Sénégal, plusieurs innovations sont progressivement adoptées pour faciliter l’accès à la lecture.
### Les logiciels de synthèse vocale
Les logiciels de synthèse vocale transforment le texte numérique en parole, permettant ainsi aux personnes malvoyantes d’accéder au contenu écrit. Au Sénégal, le programme “Numérique pour Tous” lancé en 2018 a permis l’équipement de plusieurs établissements scolaires intégrant des élèves malvoyants avec des ordinateurs dotés de logiciels comme NVDA (NonVisual Desktop Access) ou JAWS.
L’Association Sénégalaise pour la Promotion des Personnes Handicapées (ASPPH) estime que ces technologies ont permis d’améliorer de 40% les résultats scolaires des élèves malvoyants dans les établissements équipés. Cependant, le coût des licences pour certains logiciels premium reste prohibitif pour de nombreuses familles.
### Les applications mobiles adaptées
La forte pénétration des smartphones au Sénégal (plus de 50% de la population selon l’Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes) a ouvert la voie à des solutions mobiles accessibles. Des applications comme “Be My Eyes”, qui met en relation des personnes malvoyantes avec des volontaires voyants via vidéo, ont été adoptées par près de 3 000 utilisateurs sénégalais.
L’application “Seeing AI” de Microsoft, qui décrit l’environnement et lit les textes à haute voix, connaît également un succès croissant malgré des limitations liées à la reconnaissance du français et des langues locales comme le wolof.
### Les liseuses et tablettes adaptées
Les liseuses électroniques avec fonction d’agrandissement de texte et réglage de contraste gagnent du terrain au Sénégal. Le projet “E-Lecture pour Tous” initié en 2020 par l’ONG Vision Solidaire a distribué plus de 500 liseuses adaptées dans les bibliothèques publiques du pays.
Ces dispositifs permettent de modifier la taille, la police et la couleur du texte selon les besoins spécifiques de chaque utilisateur. Une évaluation récente du projet a révélé que 78% des bénéficiaires déclaraient lire davantage grâce à ces outils.
## Les innovations en optique adaptative
### Les loupes électroniques
Les loupes électroniques représentent une avancée significative par rapport aux loupes traditionnelles. Dotées de zoom puissant et d’ajustement de luminosité, elles transforment l’expérience de lecture des personnes malvoyantes.
Au Sénégal, la Clinique Ophtalmologique de Dakar a mis en place en 2019 un service de prêt de loupes électroniques qui bénéficie actuellement à plus de 200 patients. Toutefois, avec un prix unitaire oscillant entre 200 000 et 500 000 FCFA, ces dispositifs restent inaccessibles pour une grande partie de la population.
### Les lunettes intelligentes
Les lunettes intelligentes constituent la frontière technologique la plus avancée pour les personnes malvoyantes. Des modèles comme les OrCam MyEye, capables de lire des textes, reconnaître des visages et identifier des objets, ont été introduits au Sénégal en 2021 par le Centre National d’Appareillage Orthopédique (CNAO).
Un programme pilote impliquant 50 utilisateurs à Dakar a démontré une amélioration significative de l’autonomie des participants. Cependant, avec un coût dépassant 2 millions FCFA par unité, ces dispositifs ne sont accessibles qu’à une infime minorité sans subvention.
## Les initiatives locales et la solidarité numérique
Face aux coûts prohibitifs de nombreuses solutions technologiques, des initiatives locales innovantes émergent au Sénégal.
### Le mouvement des makers sénégalais
Le FabLab Defko Ak Niep (signifiant “Faire ensemble” en wolof), basé à Dakar, développe depuis 2018 des prototypes de loupes électroniques à bas coût utilisant des composants recyclés. Ces dispositifs, fabriqués localement pour moins de 50 000 FCFA, offrent une alternative économique aux modèles importés.
L’initiative “Tech4Vision”, portée par de jeunes ingénieurs de l’École Supérieure Polytechnique de
